search

IMAGINAIRES PROPHETIQUES ET BARBARES - aux sources du nazisme

28,00 €
TTC

Imaginaires prophétiques et barbares, aux sources du nazime de Lauric Guillaud

274 p., ISBN 978-2-8103-0345-8,  16 cm x 23 cm, papier édition. 

Exploration de l'imaginaire qui  imprégna la culture populaire allemande, ouvrant un chapitre délirant de l’histoire dont les soubresauts furent pressentis par la fiction étrangère. En s’inspirant du travail de L. Eisner, G. Mosse et E.Kurlander, qui abordèrent l’élément culturel du nazismel, l’auteur vise à démontrer qu’un imaginaire fantastique était consubstantiel au nazisme, abolissant le sens commun d’un peuple aveuglé par les sirènes de la propagande.

 Yonnel Ghernaouti dans :

https://450.fm/2024/02/12/imaginaires-prophetiques-et-barbares-aux-sources-du-nazisme-le-dernier-lauric-guillaud/

Quantité

Pendant des décennies, seuls les mécanismes sociologiques, politiques et économiques ont fourni les clés de la compréhension du nazisme. Or, il faut bien constater l’incapacité de toute analyse à saisir en totalité l’ampleur et le tragique du phénomène nazi, cette « brèche dans la trame de l’histoire » (F. Lost). Face à l’insaisissable, certains se tournèrent vers l’« occultisme » nazi, réduisant le IIIe Reich à un inextricable réseau conspirationniste ou à un empire du mal. 

Ce livre propose d’explorer un imaginaire qui finit par imprégner la culture populaire allemande, ouvrant un chapitre délirant de l’histoire dont les soubresauts furent pressentis par la fiction étrangère, en majorité anglo-saxonne. En s’inspirant du travail de Lotte Eisner, Georges Mosse et Eric Kurlander, qui abordèrent l’élément culturel du nazisme en le reliant à la montée de l’irrationnel, l’auteur vise à démontrer qu’un imaginaire fantastique était consubstantiel au nazisme, abolissant le sens commun d’un peuple aveuglé par les sirènes de la propagande. « Le XXe siècle, écrivait Gusdorf, le plus barbare de l’histoire universelle – le siècle de la faillite de la raison ». 

La littérature de l’imaginaire permet d’explorer ce champ de vertige où se croisent mythe et Histoire. On y trouve maints exemples de conjectures « inspirées » qui annoncent le national-socialisme. Pour aborder  ce « gigantesque continent de l’irrationalité » (L.-V. Thomas), il fallait un travail d’archéologie littéraire qui puisse reconstituer un puzzle culturel et anthropologique relevant de la science, des croyances et des mythes. Des prospecteurs de l’irréel, aussi divers que Jules Verne, Jack London, H. R. Haggard, Talbot Mundy, José Moselli, Hanns Heinz Ewers, Alfred Kubin, Gustav Meyrink, James Hilton, Robert E. Howard ou Clark Ashton Smith, ont arpenté les chemins de l’imaginaire avec une boule de cristal, parvenant à mieux percer le rideau de l’histoire que bien des historiens, distillant de terribles augures qui finirent par se matérialiser en une secrète alchimie. Écoutons « ces voix de l’arrière-fable, dont l’échange dessine la trame de la fiction » (Michel Foucault).

Au bout de ces imaginaires barbares, le cauchemar le plus effroyable…

Lauric Guillaud, professeur émérite de littérature et de civilisation américaines à l’Université d’Angers, ancien directeur du CERLI, a publié nombre d’articles sur l’imaginaire anglo-saxon : les mondes perdus, les mythes américains, le gothique, la fantastique, les détectives de l’étrange, etc. Son ouvrage « Le Sacre du noir » a reçu le prix de l’Institut maçonnique de France en 2019.

Table :

Préface de G. Dreidemie

L’ Approche 

               Avant-propos/ Fictions prémonitoires /Supputations religieuses ou mystiques

L’Allemagne prénazie et son Zeitgeist

               L’Allemagne littéraire et artistique au XIXe siècle ..../ Descente aux abîmes/remontée du passé / Le Zeitgeist völkisch : préhistoire et mythologie /

              La quête du Graal / L’archéologie : imaginaire et falsification de l’histoire / Les impostures de l’imaginaire nordique / Le triomphe du barbare

Le retour des monstres

               Vampires et autres monstres / Le réveil du fantastique au cinéma / Les tendances de l’imaginaire dans les pays anglo-saxons et en France. ..  /

               Prémonitions du totalitarisme : de Jules Verne à ­C.S. Lewis /

 Vers les Âges Sombres

               L’ombre du totalitarisme : les Pays de la Nuit / L’Orient mythique. Le réveil. / Merritt et le crépuscule des dieux /

               La Terre creuse / Carl Gustav Jung et le réveil de Wotan

RECENSION de Rémi Boyer :

Chaque ouvrage de Lauric Guillaud est un joyau d’intelligence et d’écriture. Ce nouveau livre est une fois de plus la démonstration de l’efficacité d’une approche transdisciplinaire, ici histoire, étude littéraire, anthropologie de l’imaginaire, étude des mythes. Le sujet, l’imaginaire nazi, est difficile mais constitue une clé d’analyse des horreurs du Reich hitlérien qui, malgré la multiplication des recherches critiques de grande qualité des historiens, échappe encore dans ses mécanismes profonds, à une totale compréhension.

« Je ne peux m’empêcher, avoue Lauric Guillaud, de revenir sur l’horreur du nazisme, toujours hébété face à l’incompréhensible, comme si aucune analyse historique, psychologique, sociologique ou autre ne parvenait à rendre compte à elle seule d’un phénomène touchant à l’innommable. »

Lauric Guillaud s’est donc plongé dans « les imaginaires barbares », dans le marais des confusions autour de l’ésotérisme nazi, ou pseudo-ésotérisme, de la nébuleuse occultiste nazie, pour discerner les faits des commentaires plus ou moins avisés, nés avec, et dans la foulée, du fameux Matin des magiciens de Louis Pauwels et Jacques Bergier publié en 1960. L’approche, à la fois traditionnelle et originale, de Lauric Guillaud, présuppose avec pertinence le rôle de l’imaginaire dans l’avènement des événements. L’imaginaire allemand, sur un terreau qui se constitua dès le XVIIIe siècle, se cristallisa peu à peu entre les deux guerres autour de croyances flirtant avec le surnaturel, ou plutôt l’irrationnel. Il devint populaire et contribua, dans un faisceau plurifactoriel, à l’émergence et l’affirmation du nazisme.

« Il faut se rende à l’évidence, nous dit Lauric Guillaud, comme le montre Kurlander : un irrationnel polymorphe et hétéroclite était consubstantiel au nazisme (astrologie, paranormal, paganisme, mythologie indo-aryenne, sorcellerie, armes quasi magiques, rêveries atlandiniennes, etc.), abolissant le sens commun d’un peuple aveuglé par les sirènes de la propagande. »

Il ne s’agit pas de nier les réalités économiques, sociales, politiques, sociologiques, historiques, culturelles et autres qui contribuèrent à l’arrivée d’Hitler au pouvoir mais de comprendre la place de l’imaginaire allemand dans l’intronisation d’une élite vouée à la monstruosité.

La première partie de l’ouvrage traite de l’Allemagne prénazie et de son Zeitgest völkisch à partir de l’Allemagne littéraire et artistique au XIXe siècle. Sont abordés entre autres, le rôle du romantisme, le néopaganisme allemand, le dynamisme de l’idéal chevaleresque, l’archéologie imaginaire, l’imaginaire nordique et ses impostures… Lauric Guillaud avertit de la nécessité de distinguer la pureté des mythes de ses altérations et perversions.

La deuxième partie du livre, intitulée Le retour des monstres, met en évidence le rappel, tout au long du XIXe siècle puis au début du siècle suivant, dans l’art et la littérature « des créatures de la nuit ». Si cette tendance n’est pas spécifiquement allemande, elle prendra dans l’Allemagne prénazie une forme aigue faite de fascinations et de transgressions.

La troisième partie, Vers les âges sombres, aborde certains constituants de l’imaginaire nazi : Pays de la Nuit, Orient mythique, crépuscule des dieux, Terre creuse, retour du dieu chasseur Wotan (Odin)…

La littérature, le cinéma, la peinture et d’autres formes d’expression artistiques peuvent véhiculer, le plus souvent malgré elles, mais parfois délibérément, les composants d’un drame futur. Des prophéties peuvent être énoncées innocemment et se révéler destructrices car autoréalisatrices. Carl G. Jung fut l’un des rares penseurs de l’époque à percevoir ce qui approchait et à alerter dès 1918. Gustav Meyrink, dès le début du siècle dernier, avait lui aussi pris conscience du sourd danger né de la dégénérescence de l’occultisme qui, par essence, est libertaire.

« Il semble bien, nous dit Lauric Guillaud, que les productions de l’imaginaire, à travers une dynamique créatrice, forment d’insolites filiations à travers le temps, unissant des écrivains parfois improbables sur une même trame enrichie œuvre après œuvre, gigantesque architecture où coexisteraient de réels créateurs et des imitateurs plus ou moins astucieux se contentant de surfer sur une vague populaire. Il y a enfin l’imaginaire collectif qui régit l’inspiration de manière irrationnelle, assujetti aux mythes dominants ou déclinants, empreints de nostalgie ou d’espoir, oscillant entre régression et progrès – mêlant parfois les deux. »

Au-delà du cas, terrible et si particulier, du nazisme, Lauric Guillaud nous introduit avec ce livre à une méthodologie de l’imaginaire permettant d’appréhender les faits hors des causalités linéaires qui figent notre compréhension dans un cadre trop restreint. En acceptant de ne pas conclure, de demeurer ouvert à une pluralité de possibles, de voyager dans des imaginaires très communs ou au contraire improbables, une synergie des disciplines scientifiques génère de nouvelles propositions qui pourraient être salutaire pour un futur proche. (R.Boyer)

Recension de Michel Jaccard

Lauric Guillaud, professeur honoraire, est spécialiste de l’imaginaire anglo-saxon. Il sort ainsi dire ici de sa zone de confort pour s’intéresser à l’imaginaire continental, et tout particulièrement teuton, sans oublier celui de la langue de Shakespeare. Pourquoi le fait-il ? Il s’avoue particulièrement concerné, notamment pour des raisons familiales, avec la montée en force et l’apogée du nazisme. Sa forme, son succès et son contenu restent inexplicables si l’on ne considère que les conditions historiques (la défaite de le première guerre mondiale), économiques et sociales d’après guerre (la mise en place d’une république ambiguë de Weimar et le spectre du communisme) qui ont contribué à sa naissance et son développement, avant de disparaître sous les coups des Alliés. Il est vrai que dès les années 60 à 70, nombre d’auteurs ont exploré et mis en évidence, avec plus ou moins d’acuité et de justesse (et hélas trop souvent moins que plus), les sources « occultes » et secrètes de l’idéologie nazie, mettant notamment en exergue certains groupes oeuvrant sous le manteau, souvent à tort considérés comme démoniaques. La société de Thulé est un exemple souvent cité. L’organisation des SS, leurs fêtes solsticiales organisées par Himmler dans un château dédié, sont aussi régulièrement évoquées. Mais, pour l’auteur, cette manière de voir est l’arbre qui cache la forêt et ces sociétés n’ont joué qu’un rôle mineur. Dans ses conclusions, Guillaud postule que l’imaginaire (et non l’imaginal, quoique celui-là puisse être une dérive dévoyée de celui-ci, comme le sont les archétypes ambivalents jungiens) du nazisme est le résultat d’un long cheminement : « les productions imaginaires, à travers une dynamique créatrice, forment d’insolites filiations à travers le temps, unissant des écrivains parfois improbables sur une même trame, enrichie œuvre après œuvre, gigantesque architecture où coexisteraient de réels créateurs et des imitateurs plus ou moins astucieux, se contentant de surfer sur une vague populaire. Il ya enfin l’imaginaire collectif, qui régit l’inspiration de manière irrationnelle, assujetti aux mythes dominantes ou déclinants, empreints de nostalgie ou d’espoir, oscillant entre régression et progrès, parfois entremêlant les deux » (pp. 264-265). L’auteur montre aussi de manière récusante que ces productions littéraires peuvent s’avérer prophétiques. Il décrit que, dès le début du XIXe siècle, un imaginaire prolifique à l’œuvre fera le lit des délires fantasmatiques du nazisme, conduisant à terme à réécrire l’histoire et les origines du peuple allemand, en soutenant des pseudosciences contaminées par l’imaginaire et des expéditions « archéologiques » des plus farfelues dans le monde entier pour y retrouver des objets mythiques, tel le marteau de Thor chez les chamanes finlandais, sans que le peuple allemand se moque de ou soit à même de dénoncer ces supercheries... Lauric montre que le début de cet imaginaire qui s’avérera néfaste débute avec le romantisme allemand, teinté d’un nationalisme exacerbé, dont le but est l’unité de l’Allemagne, que Bismarck réalisera à Versailles après le conflit franco prussien, mais qui prendra rapidement des teintes millénaristes et impérialistes que l’on peut percevoir avec les projets de l’empereur Guillaume II. En effet, le romantisme prend le contrepied du règne de la raison et produit une réminiscence du Moyen-Âge, de sa chevalerie, arthurienne notamment, et, en Allemagne, met en évidence le mythe de l’empereur Barberousse, sorte de messie germanique qui se réveillera pour établir un ordre paradisiaque et rétablir l’Empire. Rapidement, cette aspiration dérivera, avec l’impact d’une dénaturation de la Nature, conséquence des affres de l’industrialisation et d’un capitalisme sans scrupule que dénoncera avec justesse Karl Marx, vers un Zeitgeist völkerisch, une « nostalgie folkloriste et raciste d’une préhistoire allemande largement mythifiée… » puisant ses références dans les premières doctrine alternatives (les médecines douces, le naturisme, le végétarisme, etc), dans les discours antimodernes et enfin dans les doctrines racistes » (p. 93). L’on sait que Rudolf Steiner, que les nazis tenaient enestime, était un pangermaniste convaincu (il n’avait bien entendu rien à voir avec le nazisme !!). À cela s’ajoutent les influences des mythes nordiques revivifiés par les opéras de Wagner, antisémite notoire (sans oublier et ce n’est peut-être pas un hasard, le réformateur Martin Luther, que les nazis se plaisaient à citer, dont la condamnation des Juifs a certainement influencé ce rejet), mais aussi l’interprétation fallacieuse du Surhomme de Nietzsche, etc. Cet imaginaire barbare, comme le mythe d’une race pure à préserver et de races inférieures à dominer et/ou à supprimer, ou la survie du plus fort, fers de lance du nazisme, n’était pourtant pas le seul fait de la seule Allemagne, car on le retrouve plus ou moins sous la même forme dans d’autres nations, en Amérique en particulier. Et l’élimination des humains affligés de tares, psychiques notamment, prôné par un eugénisme souvent néo darwinien, fut le fait d’autres contrées, comme les USA et le Danemark, sans oublier les bien tristes pogroms. Ouvrons une parenthèse : les premiers camps de concentration sont britanniques et datent de la guerre des Boers, le colonialisme a largement justifié ses implantations par une action « civilisatrice » sur des peuples arriérés, et l’élimination de la majorité des Amérindiens et des peuples autochtones d’Amérique du Sud, disposaient des mêmes justifications, puisqu’on est venu à se demander si ces derniers, non compris dans la Bible, avaient une âme. Cependant, nulle part ailleurs qu’en Allemagne ces actions ont pris une ampleur aussi cauchemardesque, systématique, méticuleusement organisées et mises en scène institutionnellement. Guillaud souligne une fois encore que cet imaginaire est aussi présent aux mêmes époques dans la littérature anglo saxonne, que ce soient dans la fantasy ou dans la science fiction, mais que, ledit imaginaire n’a jamais percolé suffisamment les domaines politique et économique pour les mettre réellement en danger. Il est resté essentiellement dans le domaine littéraire, aristique, et plus largement médiatique, comme les romans de J. K. Rowling n’ont jamais provoqué une déferlante d’adeptes de magie cérémonielle du même niveau que le chamanisme par exemple. Un ouvrage novateur et synthétique à relire plusieurs fois pour s’en imprégner