search

2.2.LE SACRE DU NOIR : Imaginaire gothique, Imaginaire maçonnique- Lauric GUILLAUD

28,80 €
TTC

Lauric GUILLAUD, 1er Prix l’IMF,(PRIX DE L’INSTITUT MACONNIQUE DE FRANCE, PARIS 2019) Paris, 2019.

ISBN : 978-2-8103-0250-5, 314 pages, 17cm x 24 cm,  nombreuses illustrations sur papier couché 115 g.

Quantité

Préface de Jacques RAVENNE : Il revient à Lauric Guillaud, dans ce livre, de mettre en évidence le terreau obscur, mais fécond où ont germiné les racines, longtemps invisibles, de la franc-maçonnerie. Une mise à nu où se dessine une nouvelle sociabilité, non plus celle bien connue des sociétés savantes et des salons philosophiques, mais celles des cercles libertins, dans le sens du XVIIe siècle, c’est-à-dire d’une liberté de pensée totale et absolue... Et que dire de la littérature gothique..., on prend conscience aujourd’hui combien elle répondait à une sourde interrogation des esprits que la lumière de la Raison ne parvenait pas à satisfaire... La franc-maçonnerie comme le roman noir furent deux réponses à cette inquiétude. Deux réponses qui semblent désormais beaucoup plus proches que prévu. Et là aussi, Lauric Guillaud dévoile les passerelles, demeurées longtemps invisibles, entre ces deux mondes et démontre l’influence manifeste de la littérature gothique dans la dramaturgie de nombre de rituels maçonniques dont certains d’ailleurs dépassent en macabre les plus noirs des romans de cette époque.

L’auteur :

Lauric Guillaud, professeur émérite de littérature et de civilisation américaines à l’Université d’Angers, ancien directeur du CERLI, a publié nombre d’articles sur l’imaginaire anglo-saxon : les mondes perdus, les mythes américains, le gothique, le fantastique, les détectives de l’étrange, etc. Ses principales publications incluent Lovecraft : une approche généalogique, Histoires secrètes de l’Amérique, Des mines du roi Salomon à la quête du Graal, La Terreur et le sacré : la nuit gothique américaine, Jules Verne face au rêve américain, King Kong, ou la revanche des mondes perdus, Nouveau Monde, autopsie d’un mythe, Frontières barbares, L’Eternel déluge, L’Atlantide de A à Z et Le retour des morts.

Table :

Genèse du gothique :  Le Hell-Fire Club, une société secrète entre Histoire et imaginaire/ Le sacre de la nuit/ Y a-t-il eu un proto-gothique américain ?/ Les sociétés secrètes/ Frankenstein ou  la quête du savoir/Gothique et parcours initiatique

La franc-maçonnerie et son imaginaire : Emergence de la franc-maçonnerie spéculative/ La femme et l’initiation / L’impact littéraire et artistique de la maçonnerie/ Descensus ad inferos /Le Cabinet de Réflexion/ Le Troisième Degré/Les Grades de Vengeance /Le serment maçonnique et la loi du silence

Porosités des imaginaires gothique et maçonnique : Réhabilitation de la peur de la mort et revalorisation du sacré/L’anticatholicisme/Le double/Lamekis de Fieux de Mouhy : initiation maçonnique ou fantasmatique ?/ Vathek ou l’hubris du roi Salomon

Les Templiers entre gothique et maçonnerie : les débuts du conspirationnisme

La fin de siècle. Outrances black et mortifères…

Fabienne LELOUP, écrivaine a écrit dans son blog à propos de ce livre :

Spécialiste de littérature comparée, professeur d’université passionné par l’ésotérisme, Lauric Guillaud vient de publier un essai magistral (…) Parti du constat que le gothique ou plutôt le pré-gothique commence au XVIIIe siècle en Angleterre et en Allemagne, il montre que l’angoisse existentielle a nourri tout un courant littéraire, en même temps qu’elle a recréé des rituels en franc-maçonnerie, sur le modèle des rites et pratiques antiques.

Le Noir n’est pas maléfique :  il est générateur de réflexion et de créativité en Europe, mais également en Amérique. Même les « puritains, en quête de paysage spirituel, cherchent dans la nature les « ombres des choses divines » (p.69).

Le Noir dissout les catégories logiques : les héroïnes de Radcliffe comme les futurs initiés « ont besoin d’un décor qui joue un rôle de premier plan, décor sombre et moyenâgeux pour le gothique, décor en phase avec le rituel pour le maçon ». Une topologie unit imaginaire gothique et maçonnique : « tous deux sont polarisés par l’architecture et l’obsession des ruines ». (p.132)

En matière d’art, les imaginaires se répondent comme si tout ce qui semblait avoir été peint, dessiné, écrit, composé… restait pourtant à être deviné, décrypté… rappelant que l’ombre n’existe pas sans la lumière. En matière d’Histoire, l’imaginaire gothique est prémonitoire, ne cherchant pas à édulcorer la Terreur et la folie du sang répandu.

Noir n’est donc pas si noir.

 La littérature gothique comme la littérature maçonnique a une fonction cathartique. Elle célèbre une esthétique du dévoilement : « En définitive, le gothique n’encense l’enfer que pour mieux quêter le paradis(…)rétablit dans ses droits la peur afin de réhabiliter le sacré dans une société qui l’évacue au nom d’un progrès desséchant ». (p.294)

Magie noire de cet imaginaire nocturne commun à la littérature gothique et à la franc-maçonnerie. Notons enfin que Lauric Guillaud réhabilite les écrivains gothiques, souvent considérés comme des moutons noirs par les puristes de la littérature, en particulier française. Et si l’imaginaire nocturne nous permettait d’aller mieux, tout simplement ? Et s’il nous invitait à accepter nos contradictions ?

Grâce à Lauric Guillaud , j’imagine une Ferrari noire me servir de taxi pour explorer les « seuils ordaliques » qui ponctuent mon labyrinthe intérieur. Un jardin noir. J’imagine une Ferrari, parce que personne n’a vu de Ferrari servir de taxi et encore moins de Ferrari noire conduire au cabinet de réflexion.

 Noir comme de l’encre.

 La littérature mêle les vivants et les morts. La vie et la mort ne font qu’un, nous apprennent récits, romans, poèmes et rituels. Tant que les êtres humains vivront et rêveront, ils feuilletteront les pages où les caractères noirs dansent sur les pages blanches.

Noir comme rythme.

Je pourrais parler longuement de la qualité de cet essai. Il faut le lire, car c’est un fonds de bibliothèque. Et c’est un voyage. Tout un monde de crêpe et de velours noir. L’odeur métallique du sang et le parfum de la violette. La bouche cuite par trop de poussière et de vent. La nuit noire où il y a tout à voir.

 ----------------

Ecrit sur la «Lettre du Crocodile», juillet 2019 :

(...) Dans ce nouvel ouvrage, beau par sa forme et passionnant par son propos, il invite le lecteur à explorer l’imaginaire gothique et ses relations avec l’imaginaire maçonnique. Lauric Guillaud ne s’est pas restreint à la littérature, ni à la culture nord-américaine et britannique, il a mis en place une véritable démarche interdisciplinaire, s’inscrivant même dans cette transdisciplinarité appelée de ses vœux par Gilbert Durand, et a recherché des matériaux dans les cultures allemande et française.

D’emblée, le lecteur se demandera quel peut bien être le lien entre le gothique et la Franc-maçonnerie. Lauric Guillaud met au jour pour la première fois des terreaux, des influences, des croisements improbables qui ont pu irriguer certains aspects de l’imaginaire maçonnique.

« Nous verrons d’abord, annonce Lauric Guillaud, les grandes tendances du gothique avant de les mettre en perspective avec certains rituels maçonniques. Nous vérifierons enfin cette double influence sur les productions contemporaines. A l’ombre des colonnes, nous découvrirons l’effroi délicieux du romantisme noir ; à l’ombre des cachots et des souterrains gothiques, nous découvrirons les mystères de la Franc-maçonnerie. »

Lauric Guillaud commence ce voyage imaginaire, parfois imaginal, dans l’Angleterre des débuts du XVIIIème siècle, un siècle où prolifèrent les clubs les plus divers et les sociétés plus ou moins secrètes. Nous découvrons les Hell-Fire Clubs, réceptacles d’anciens cultes, de pratiques libertines ou de défis divers. Le premier de ces clubs, transgressif, anti-religieux, libertaire fut fondé à Londres en 1719 par le duc de Wharton. Il accueille femmes et hommes sur un pied d’égalité. Ce nouvel égalitarisme réservé contribuera plus tard à faire évoluer les pratiques dans la société anglaise et tardivement dans la Franc-maçonnerie. Les Hell-Fire Clubs se développeront sous des formes et avec des objectifs très divers allant de la société savante aux cérémonies sexuelles pseudo-satanistes, en passant par les très nombreux rites paramaçonniques qui animent la scène ésotérique britannique. Progressivement, ces groupes quittent les tavernes pour la clandestinité. L’expérience des Hell-Fire Clubs semble caractériser cette période de transition et de confusion pendant laquelle la religion perd de son influence sous les avancées de la science, la pensée rationnelle se développe, et les pouvoirs se déplacent.

« Ainsi, nous dit Lauric Guillaud, coexistaient les perspectives progressistes reflétées par les philosophes des Lumières et la fascination durable pour les pratiques rituelles dont l’origine se perdait dans la nuit des temps (cultes païens, druidisme, rosicrucianisme, etc.). »

Dans cette tension entre ombre et lumière, entre ville et nature, entre progrès et régression, entre conformisme et excès, de nouvelles créativités vont apparaître qui influenceront aussi bien les arts que la pensée, initiatique ou profane. Dès le siècle précédent, la mélancolie annonce le romantisme, noir puis gothique. La rupture des Lumières avec les sociétés traditionnelles est violente et suscite un mal-être sociétal, des résistances et des résurgences de pratiques anciennes plus ou moins comprises.

Lauric Guillaud analyse divers aspects de ce vaste mouvement de transformation complexe : Y-a-t-il eu un proto-gothique américain ? Comment se sont développées les sociétés secrètes gothiques, quelles questions pose le Frankenstein de Mary Shelley ? Qu’est-ce qui caractérise l’initiation gothique ?

La seconde entrée de l’ouvrage est donc maçonnique et débute par une recherche sur l’impact littéraire et artistique de la Franc-maçonnerie. L’un des ponts entre l’imaginaire maçonnique et l’imaginaire gothique se trouve dans leurs approches respectives de l’architecture et de l’archéologie.

« Pourquoi, interroge Lauric Guillaud, le roman « maçonnique » se présente-t-il comme une extension culturelle d’une pratique circonscrite à la Loge ? Sans doute parce que l’imaginaire du romantisme dit « noir » a été exacerbé par des notions purement maçonniques comme le lieu clos (reflet de la Loge), l’obligation du secret, les oppositions ténèbres/lumière, rejet/admission, soleil/Lune et surtout vie/mort. C’est l’initiation qui cimente ces notions en les incorporant dans des rituels proches du psychodrame. »

Au fil des pages, à travers les très nombreux extraits ou références, apparaît au lecteur une « étroite parenté de plusieurs textes gothiques et de certains rituels maçonniques marqués par le goût du noir et du cérémonial ». Cette attirance vers l’obscur et la nuit est cependant associée à une orientation vers un « centre », un axe, à une recherche de verticalité. Il s’agit de rester dans l’ombre pour mieux trouver la lumière. Il existe une dimension initiatique propre à l’originalité et la liberté du courant gothique qui trouve un reflet, parfois une réponse dans l’imaginaire maçonnique.

Un livre à ne pas manquer pour son originalité et la richesse de son contenu. (Rémi Boyer)